IA, agriculture, eau potable, va-t-il falloir choisir ?

L’IA est énergivore. Les sites se multiplient là où l’énergie est peu chère… sans forcément anticiper la disponibilité de l’eau. Cas d’école :

• En Espagne : Position stratégique pour le passage des câbles sous-marins ; électricité renouvelable peu chère, et Amazon, Microsoft, Meta, planifient 58 Mds € d’investissement d'ici 2030 pour y développer l’IA.  Or, l’Espagne est une économie portée sur l’agriculture exportatrice dans un contexte climatique et hydrique de plus en plus tendu.

• Aux États-Unis : 66 % des projets d’IA lancés depuis 2022 se situent dans des zones à stress hydriques élevés ou extrêmes (Analyse Bloomberg)

Va-t-il falloir choisir entre refroidir les infrastructures de l’IA, irriguer notre maïs ou alimenter nos villes en eau potable ? La réponse est oui, mais seulement à certains moments, notamment en période estivale quand les étiages sont au plus bas.

Les ordres de grandeurs à avoir en tête pour un climat tempéré en plein été, comme la France :

• 70 000 litres/jour : les prélèvements d’un petit data-center “traditionnel” d’1 MW, soit la consommation journalière de 500 habitants ou l’irrigation journalière d’1 hectare de maïs en France.

• 4 à 5 millions de litres/jour pour les grands sites d’IA actuels, soit la consommation journalière de 30 000 habitants ou l’irrigation journalière de 57 hectares de maïs en France.

• Jusqu’à 19 millions de litres/jour en pleine charge estivale, soit la consommation journalière de + de 75 000 habitants ou l’irrigation journalière de 230 hectares de maïs en France.

⚠️ L’alimentation en eau des data centers entre en concurrence avec les autres usages si leur source est la même : eaux souterraines (nappes phréatiques) ou eaux de surface (fleuves rivières).

Exemple de répartition en France :

• L’eau potable : 65 % provient des eaux souterraines et 35 % des eaux de surface. Or, ces ratios sont locaux et risquent d’évoluer avec le changement climatique. Exemple : les scénarios climatiques du BRGM montrent qu’en 2050, la recharge des nappes pourrait baisser de 10 à 25 % dans le Sud-Ouest.

• L’eau pour l’agriculture : c’est l’inverse, en 2022, 62 % d’eau de surface – 37 % nappes. Ce ratio est relativement stable depuis une décennie, mais fortement sensible aux sécheresses et à la disponibilité des retenues hivernales

Conclusion : localement, des conflits d’usage sont à prévoir sur le SCOPE 1 (les opérations directes des entreprises) mais aussi sur le SCOPE 2 (à savoir leurs besoins en eau pour l’énergie) ! Le plus gros besoin en eau induit par le développement de l’IA se situe en amont des data centers, au niveau du refroidissement des centrales électriques. Comment anticiper et prévenir ces conflits ? C’est une des missions clés de Water Wiser et nous reviendrons au prochain épisode 3.

🌐 L’actualité de l’eau en bref

• International → l’Institut Marocain d’Intelligence Stratégique (IMIS) fait le bilan et remet à plat sa stratégie hydrique. Résultat majeur : les rapporteurs proposent d'intégrer l’empreinte eau dans les choix d’investissement.

• Entreprise → la gestion de l’eau fait son entrée dans le top 5 des enjeux environnementaux des CEO selon le Harvard Law Forum. Signal que les investisseurs surveillent la “water-positive” stratégie des groupes.

• Géopolitique - sécurité → la Conférence Aqua Publica sur la protection des infrastructures eau face aux cyber-menaces place l’eau un thème de sécurité stratégique au même titre que l’énergie.

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